Brasilia, ville-nouvelle idéale ?
Bientôt 3 ans -3 ans!!!- que je n'étais pas retournée au Brésil, 1 an et demi que je n'avais pas rédigé d'article. Pas très sérieux...!
L'hiver s'achève ce 31 mars soir lorsque j'abandonne Paris, la température monte à Lisbonne, se réchauffe encore en paroles aux côtés de mon voisin qui retourne chez lui près de Brasilia. L'air y est très sec m'avertit-il, boire et se mettre de la crème dans le nez sont ses mots d'ordre.
Brasilia, ville-nouvelle, nouvelle ville de Dilma, construite en 3 ans sur un désert devenu jardin, à la sueur du front des "candangos", ces travailleurs dont on n'avait pas prévu qu'ils resteraient habiter sur leur chantier, se faisant les urbanistes d'un quartier ignoré qui accueille aujourh'ui des artistes et abrite des lieux de vie sympathiques le haussant au rang de quartier à la mode (avant son inexorable bobo-isation?).
Ma chance incroyable sera d'être accueillie au 5ème étage d'un immeuble "made by Niemeyer" au coeur de LA superquadra 508, aile Sud, vue sur les arbres choisis par Burle-Marx, qui serait heureux de vérifier que son idée d'immeubles ayant poussé au coeur d'un jardin fonctionne pour de bon.
Les résidences imaginées par Niemeyer profitent au mieux de ces paysages et affichent une façade arrière blanche quadrillée d'innombrables petites ouvertures.
Les immeuble, légers, reposent sur des pilotis, idée géniale permettant au regard, au lieu de buter sur une façade, de se prolonger sur le jardin suivant. Le sol de ce rez-de-chaussé ouvert est couvert de grandes dalles noires reflétant les pilliers. Partout Brasilia se joue des reflets avec les sols, les murs, pour évoquer une eau trop rare dans un environnement à l'époque si aride.
Les arbres, les gazons et les parterres de fleurs trompent les esprits en prouvant la réussite d'un projet qui, tel une oasis, a réussi la gageure de transformer un morceau de nature. Burle Marx a en plus eu l'intelligence de choisir de nombreux arbres fruitiers dont les habitants se régalent à chaque saison.
Brasilia, ville-avion ou oiseau a été imaginée par l'équipe Oscar Niemeyer (architecte), Lucio Costa (urbaniste) et Roberto Burle Marx (paysagiste), sous la présidence de Juscelino Kubitschek qui parvint à y déplacer la capitale, alors située à Rio (au prix de salaires multipliés par 10 pour les fonctionnaires d'état les plus rétissents à quitter ce paradis pour une plaine aride et poussiéreuse!).
Ajoutons à ce trio les nombreux artistes pour lesquels la ville nouvelle a été une occasion unique d'exprimer leur talent, parfois sous de multiples formes comme Athos Bulcao dont les azulejos colorés se jouant de la géométrie émaillent les murs de toute la cité et qui, comme les courbes élégantes de Niemeyer, sont l'empreinte et la distinction brasilienses.
Le musée d'art moderne
Poétique certes, la forme de la ville n'en est pas moins ultra fonctionnelle : une tête-état avec la place des 3 pouvoirs, un cou de ministère, un corps rassemblant les différents services (musée, théâtre, cathédrale, hôtels, banques, shopping, bureaux, etc;), une gare routière à la croisée des ailes (les gares ferroviaires n'existaient et n'existent toujours pas) qui accueillent les habitations. Il paraît même que cette disposition permettrait, en cas de révolte, d'isoler le pouvoir en coupant la tête de l'oiseau !
Construite à l'époque où émergeait l'idée d'une séparation des circulations automobiles et piétonnes, Brasilia l'a été aussi en plein âge d'or du pétrole et ouvre 2 voies royales, larges comme des autoroutes, aux voitures qui profitent au mieux des perspectives offertes par les grands axes et interdisent ce loisir au piéton qui s'imagine mieux devoir franchir un fleuve bondé de piranhas. L'idée, pas mauvaise pourtant, de n'avoir aucun feu rouge pour éviter toute sorte de blocage du trafic a engendré des sorties de voies en forme de "petits ciseaux", des boucles qui permettent de passer d'un axe à l'autre sans s'arrêter.
Dans les ailes, l'ambiance est néanmoins tout autre, les passages piétons recommandent de "donner un signal de vie" aux automobilistes pour traverser, et ça marche ! Signe à éviter dans n'importe quelle autre ville du pays sous peine de terminer sous la voiture, bras tendu...
Les ailes sont constituées de "superquadras" faites chacune 2 quadras contenant des immeubles d'habitations et des services et bordées de commerces. A l'intérieur des superquadras dit Lucio Costa "les immeubles résidentiels peuvent être disposés de manière variée, obéissant à 2 principes généraux : gabarit maximum de 6 étages avec pilotis, et séparation du trafic des véhicules de celui des piétons, permettant l'accès à l'école et aux commodités existante à l'intérieur de chaque quadra".
Ce qui est effectivement génial, c'est de pouvoir descendre en tenue de danse pour aller suivre son cours au gymnase, d'aller à pied à l'école (et à l'église bien sûr!), d'avoir un point de taxi au pied de chez soi, le tout dans un jardin.
Pour les commerces, la réussite est à modérer. D'une part, ils devaient être ouverts sur l'intérieur des quadras -côté jardin- avec accès livraison par la rue, mais ils se sont "retournés pour offrir leurs vitrines à la circulation. D'autre part le mélange souhaité des types de commerces a laissé place à des rues à thèmes, obligeant à prendre sa voiture pour ce qui ne se trouve pas à proximité, ou mieux, pour aller se promener au shopping (grands centres commerciaux très appréciés comme lieux de promenade...).
Le bémol de la ville idéale ? Outre une pièce taille cage à hamster pour loger l'indispensable bonne dans des appartements pourtant vastes, aucun système n'a été imaginé pour accueillir une classe moyenne ou basse qui a édifié ses propres villes "satelittes" au-delà de l'oiseau et vient quotidiennement y travailler, redonnant à la ville la couleur et l'humanité sans lesquels elle n'aurait pas survécu.
Juste avant l'heure de la récréation, un couple prépare des noix de coco
qu'ils vendront ensuite dans la cour aux enfants de l'école française.