São Luis, la romantique (?)

Publié le par celle in Brazil

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A 12h de car au Sud-Est de Belém, São Luis se trouve dans l'état du Maranhão et dans la région du Nordeste qui comprend la plus grande partie de la côte atlantique brésilienne.














L'envie de dessiner revient quand le lieu s'y prête.
Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, la ville coloniale me touche par la beauté de son centre historique, sans doute parce qu'
en Europe nous avons érigé l'ancienneté au rang d'idéal esthétique : larges places arborées, rues pavées au relief exagéré et vues sur les toits en tuile, bâtisses couvertes d'azulejos ou dont le blanc immaculé des murs souligne élégamment les boiseries rouges, bleues, vertes ou jaunes souvent cadrées de pierres.SaoLuis-rue.JPGSaoLuis-porte.JPG

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Patrimoniale jusque
dans ses feux
tricolores recouverts
d'azulejos... en linoléum !


SaoLuis-voile-rouge.JPGEt la brise salée de la mer, enfin ! Même si la ville borde plus exactement le rio Anil, à l'embouchure du fleuve sur la baie São Marcos, j'aime revoir le mouvement de la mer qui se retire ici très loin, laissant nu le sable gris et humide que les ibis bleus explorent méticuleusement. Au loin, les grandes voiles triangulaires colorées des bateaux traditionnels de pêche.

SaoLuis-fonte.jpgLa magnifique fonte Ribeirão approvisionnait autrefois la ville en eau. Sa façade vive et travaillée surprend comme la grande dalle en pierre entaillée d'une rigole qui la devance en contrebas d'un large escalier. On imagine que l'eau sortait des fenêtres à barreaux derrière lesquelles a été découvert en 1990 un réseau incroyable de galeries parcourant le sous-sol de la ville. Plus tard, à Salvador, une exposition du photographe français Pierre Verger nous a montré des enfants à l'assaut des fenêtres de cette fontaine alors sans couleur. Ce bleu a t'il droit de cité dans la palette chromatique saint-louisienne ou est-ce une pure fantaisie de la municipalité, se demande la française...


SaoLuis-rasta-hom.jpgSão Luis, c'est aussi la capitale du reggae au Brésil, et ça se voit par la proportion plus qu'importante de dread locks. Ce sont même les grand-mères, installées sur leurs chaises dans la rue, qui crochètent les larges bonnets rouge, jaune et vert ! La ville agit comme un véritable aimant pour les adeptes du rasta farri et les hippies aux pieds nus vendant des bijoux artisanaux (qu'ils fabriquent pour payer leur voyage) sont ici plus nombreux que dans n'importe quelle autre ville brésilienne.

La musique est partout dans les rues, sur les places, dans les bars, jusque dans la chaleureuse librairie-cyber-café où l'on a rencontré le roi local... de la samba, Antonio Vieira, fredonnant.

SaoLuis-rasta-fem.jpgC'est à São Luis que j'entends pour la première fois du reggae en portugais. Lors d'un concert en plein air, j'avais remarqué la coiffure de Celia -une vraie pièce montée à la Fontanges- avant qu'on nous la présente. Figure du reggae, elle travaille actuellement à la création d'un label local avec des groupes chantant en portugais pour que les jeunes comprennent le message de Bob Marley. Elle nous explique que dans la traduction récente d'une chanson française, ils ont élagué une partie du texte afin qu'il ne soit pas mal interprété.


Pour les adeptes de Jah (lillois et autres...), le « Festival Maranhense do reggae » a lieu pendant 4 jours en novembre avec des musiciens locaux, nationaux et jamaïquains.

SaoLuis-resto.jpgSaoLuis-culinaire.jpgDégustation des plats locaux ou cachaça voire petite samba au restaurant « Antigamente », sur la belle place du Largo do Comércio, décoré de dizaines de statuettes de femmes aux jolies courbes, d'animaux rigolos et autres objets dignes d'une brocante. Une nouveauté pour moi car à Manaus, tout ce qui est ancien est considéré avec dédain car ayant perdu sa valeur ; les brocantes sont donc inexistantes et les voitures d'occasion rares...

SaoLuis-BumbaMeuBoy.jpgLe bumba meu boi est une fête folklorique originaire de São Luis aux influences métisses (africaines, indiennes et portugaises) devenue célèbre dans tout le pays. Elle a même été portée jusque dans la forêt amazonienne par les Nordesten venus y récolter l'hevea, lorsqu'ils ont compris qu'ils ne pourraient plus jamais rentrer chez eux... Au départ, une légende : l'histoire d'un ouvrier de ferme marié à la fille du patron, qui comme elle est enceinte – la fille bien sûr- a l'envie bizarre de manger la langue du meilleur boeuf de la propriété. Le mari se laisse convaincre mais il est vite démasqué, traîné devant la justice jusqu'au moment incroyable où le boeuf ressuscite grâce à des incantations magiques (c'était peut-être le boeuf de la crèche qui avait été à bonne école, il n'y a pas de raison), le gars est gracié et c'est la fête. Et elle dure 2 mois...! Tout le reste de l'année est consacré à la confection des costumes, création de chansons, poèmes et pièces de théâtre. On voit partout des statuettes de jolis petits boeufs noirs maquillés portant une grande jupe colorée.

En fait São Luis est une fête perpétuelle...!
Au fait, romantique pourquoi ? non ce n'est pas là que Magali et moi avons dîné aux chandelles... il suffit que la ville serve de cadre à une télénovelas (série TV) très romantique pour qu'elle le devienne aux yeux des brésiliens, parce que les télénovelas ici, il n'y a que ça de vrai !


Alcantara-cloches.JPGAu départ de São Luis, un bateau permet de rejoindre Alcântara, situé de l'autre côté de la baie de São Marcos.

Arrivés en 1612, les français eurent juste le temps de la fonder avant de se faire renvoyer par les portugais et São Luis se développa grâce à l'exportation du sucre et du coton, cultivés par les esclaves noirs et les indiens Tupinambá. Le village d'Alcântara, entièrement édifié par les esclaves, était le centre de cette économie et le lieu de résidence des grands propriétaires.

 

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Juché au sommet d'une colline verdoyante dominant la baie, c'est un véritable joyau architectural avec ses maisons des XVIIème et XVIIIème siècles. Les quelques habitants et propriétaires n'ayant pas tous les moyens d'entretenir leurs maisons, le village comprend de nombreuses maisons délabrées et tout un quartier de ruines aux pierres noires comme s'ils elles avaient été brûlées, desservies par des chemins en herbe où se promènent des vaches en liberté.

 

Une vision surréaliste magnifique. 





En montant depuis le petit port tout en haut de la longue rue pavée (désherbée par une dizaine d'hommes à la main!), on atteint la grande place centrale rectangulaire où se dressent une église -en ruine-, un pilori et l'ancienne prison. Alcantara-place-copie-1.jpgC'est sur cette place que donne également la splendide demeure d'un des « grands propriétaires » transformée en un très beau musée historique, présentant notamment les produits créés grâce à la terre très argileuse du sol, briques, tuiles et poteries.Alcantara-museo.JPG

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L'un des 2 dômes de la plus grande église d'Alcântara a des airs basques avec ses murs à la chaux et ses boiseries sang de boeuf.

 




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On ne résiste pas à la « doce de especie », un petit gâteau au coco en forme de tortue, spécialité locale dont nous avons fait nos petits-dejs dès le matin de notre arrivée, un vrai régal !

 


Alc-ntara-p-che.jpgAssises au bord du fleuve, nous observons des hommes pêchant la crevette (qui accompagnent tous les plats traditionnels) selon une technique étonnante : dans l'eau jusqu'au torse, ils tirent lentement un filet relié à une barque dans laquelle une femme ramassant le fruit de la collecte.

Alcântara est magnifique. Mais le rouge vif de sa terre comme des ibis est peut-être là pour nous demander de ne pas oublier la douleur et la honte de son histoire.

Publié dans le Nordeste

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T
On ressent une nouvelle étape dans ton écriture et son contenu, t'écris beaucoup plus pour toi-même qu'au début de cette histoire, tu nous oublis un peu, lecteur, et c'est très bien et très intéressant à lire, à s'enivrer l'iris de tes images et aquarelles. T'as pas su profiter du crochet des mamies dans les rues pour te préparer à la fraicheur des montagnes et de la banquise virtuelle ?? Ces bonnets devraient être assez grand pour faire un feu de camp à l'intérieur et 3 ou 4 profiteurs autour avec guitare et tambourin, bon d'accord faut pensées à l'évacuation des fumées, Céline pourrais-tu imaginer la chose avec tes petits pinceaux ? si vraiment t'en trouve le temps et l'envie.<br /> Beijos
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R
Je pense que tu devrais tenter de passer des castings pour jouer dans une telenovela. Tu as un vrai potentiel.<br /> Dis, tu nous rapportes des azuleros en lino ?
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P
les basques sont les descendants des zolmèques
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C
J'espère que pendant ton périple à Sao Luis, tu as pu récupérer quelques albums de Reggae Brésilien avec des textes en portugais!!!
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M
... des églises blanches aux boiseries sang-de-boeuf, des bovins parés d'une jupette colorée et que l'on fait peut-être danser au son des tambourins, un nom qui s'apparente étrangement à un site bien connu du sud-ouest français, des petits gâteaux que,là,on nomme mouchou (baiser)et ici doce de especie !!!! Bizare, bizarre ! Qui des Basques ou des Brésiliens ont été les premiers ?
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